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Envoi de l’ordre du jour pour une réunion CSE : l’employeur ne peut se prévaloir du délai minimal !

mercredi 26 juillet 2023 - ◷ 5 min

Pour la première fois, la chambre sociale de la Cour de cassation décide que, le délai minimal d’envoi de l’ordre du jour des réunions du CSE, institué dans l’intérêt des membres de l’institution, l’employeur ne peut pas s’en prévaloir...

JURISPRUDENCE SOCIALE COLLECTIVE

A propos de Cass. soc. 28 juin 2023 n° 22-10.586

https://www.courdecassation.fr/decision/649be08aa10c4805db86faa9

° EN BREF...

Lorsque le comité social et économique (CSE) a connaissance de faits de nature à affecter de manière préoccupante la situation économique de l’entreprise, il peut demander à l’employeur de lui fournir des explications.

Cette demande est inscrite de droit à l’ordre du jour de la prochaine séance du comité.
Selon l’article L. 2315-30 du Code du travail, l’ordre du jour des réunions du CSE est communiqué par le président aux membres du comité, à l’agent de contrôle de l’inspection du travail ainsi qu’à l’agent des services de prévention des organismes de sécurité sociale, trois jours au moins avant la réunion (C. trav., art. L. 2315-30). Ce délai est porté à 8 jours pour le CSE central (art. L. 2316-17). Un délai plus long peut également être prévu par dispositions conventionnelles plus favorables (C. trav., art. L. 2315-2).

Cette règle s’applique, peu importe qu’à l’intérieur de ce délai se trouve un jour non travaillé (dimanche, férié).

De jurisprudence constante, l’inobservation de ce délai caractérise le délit d’entrave (Cass. crim., 25 oct. 1994, n° 93-85.802), sauf en cas d’urgence (Cass. soc. 2 mars 2004, n° 02-16.554).

° CONTEXTE DE LA SAISINE

En l’espèce, le groupement d’intérêt économique Klésia Adp souhaitait anticiper d’éventuelles modifications dans les régimes de retraite complémentaires et envisageait une évolution de son organisation et la création d’autres activités de retraite complémentaire et d’assurance aux personnes, en mettant en place trois structures juridiques distinctes.

Le 9 octobre 2020, son comité social et économique a été convoqué à une première réunion d’information sur le projet fixée au 16 octobre 2020.
Les documents d’informations afférents au projet et à ses conséquences ont été joints à la convocation et à l’ordre du jour.
Quinze jours plus tard, le secrétaire du CSE sollicite, 4 jours avant la réunion, l’inscription à l’ordre du jour du vote d’une résolution sur un droit d’alerte économique.
Constatant le non-respect du délai de 5 jours prévu par l’accord collectif d’entreprise relatif à la mise en œuvre du CSE pour l’inscription d’un point à l’ordre du jour, le président du comité refuse l’inscription d’un vote sur le droit d’alerte économique.

Le GIE saisit la formation des référés du tribunal judiciaire en contestation de la procédure d’alerte et en annulation de la délibération du comité.

° PROCEDURE

La Cour d’appel déboute le GIE de ses demandes. Le GIE forme un pourvoi en cassation estimant notamment :
 que les conventions et accords de travail liant tous leurs signataires, ces derniers peuvent tous se prévaloir de leurs clauses et qu’il en est ainsi de l’employeur s’agissant du délai minimal d’inscription d’une question à l’ordre du jour prévu par accord collectif ;
 qu’il ne résultait ni des articles L. 2315-2 et L. 2315-30 du code du travail, ni de l’accord sur la mise en œuvre du CSE, que le délai de communication de l’ordre du jour n’a été formulé que dans l’intérêt des membres du CSE, qui pourraient, dès lors, seuls s’en prévaloir.

Un employeur peut-il se prévaloir du délai minimal de communication de l’ordre du jour du CSE ?

° L’ANALYSE DE LA COUR DE CASSATION

Le pourvoi de l’employeur est rejeté.
Pour la Cour de cassation, la Haute juridiction se fonde sur l’article L. 2315-30 du code du travail, qui prévoit que l’ordre du jour des réunions du CSE est communiqué, par le président, aux membres du comité, 3 jours au moins avant la réunion. Seuls les membres de la délégation du personnel au CSE peuvent se prévaloir de cette prescription, instaurée dans leur intérêt.

Elle constate que le secrétaire du comité avait demandé au président, en application de l’article L. 2315-93, alinéas 1 et 2, du code du travail, de lui fournir des explications sur la réorganisation affectant de manière préoccupante la situation économique de l’entreprise. Mais aussi, d’inscrire le déclenchement de la procédure de droit d’alerte à l’ordre du jour de la prochaine réunion. C’était donc à tort que le président du comité avait refusé cette inscription, seuls les membres de la délégation du personnel pouvant se prévaloir du non-respect du délai conventionnel, de sorte que l’absence de mention à l’ordre du jour de la réunion du déclenchement de la procédure de droit d’alerte n’était pas un motif d’irrégularité de la délibération du comité...

° ECLAIRAGES

Seuls les membres de la délégation du personnel au comité social et économique peuvent se prévaloir de cette prescription instaurée dans leur intérêt.
En parallèle, les juges peuvent contrôler l’usage conforme du droit d’alerte du comité social et économique (Cass. soc., 11 mars 2003, n° 01-13.434).


Sophie Riollet, juriste, Pôle service juridique du Secteur Juridique National de l’UNSA.
Pour tous commentaires ou question, juridique@unsa.org

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