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L’édito du 14 février 2022 de la Newsletter... les conseillers du salarié et le CDD ?

lundi 14 février 2022 - ◷ 6 min

De l’angle droit à « l’angle mort » ou à la recherche d’une réponse qui bousculerait l’ordonnancement littéral du code du travail…

L’Edito

Il est des questions juridiques comme des Hommes, elles ne manquent pas parfois de perturber mêmes des juristes se voulant être plus avertis…

Une question a fait débat et continue d’animer, après la réunion du groupe de liaison du 1er décembre, celle de la faculté d’un conseiller du salarié, d’assister un salarié sous contrat à durée déterminée, lors d’un entretien de rupture du CDD, y compris motivé pour faute grave...

L’équipe éditoriale d’Angle Droit, comme toute bonne Newsletter tente d’apporter sur cette thématique des réponses à nos interrogations… (en 3 de page 2)

Article : lorsque le conseiller du salarié est sujet de controverses…

Un conseiller du salarié pour les seuls salariés en CDI ?

Ce constat amer résulterait donc, de manière implacable et sans échappatoire de la localisation même de la codification des articles régissant la mission d’assistance du conseiller du salarié : dixit le « titre III » relatif aux « ruptures du contrat à durée indéterminée » (L. 1231-1 à 1232-14), tandis que l’article L. 1243-1, portant sur la rupture anticipée est spécifique au CDD, se trouve errer ailleurs, dans un « titre IV ».

Le code du travail n’évoque jamais la notion de rupture anticipée pour l’intervention du conseiller du salarié. L’action se limite au cas de l’entretien préalable en vue du licenciement, article L.1232-7 du code du travail : « le conseiller du salarié est chargé d’assister le salarié lors de l’entretien préalable au licenciement dans les entreprises dépourvues d’institutions représentatives du personnel ».

Une application stricte de la loi…

La question de l’assistance du salarié en contrat à durée déterminée par un conseiller du salarié a fait l’objet d’une jurisprudence peu nombreuse. Celle citée en référence date du 25 octobre 2000 : pour une rupture anticipée d’un CDD. En l’espèce la chambre sociale de la Cour de cassation (n° 98-43760) juge que le salarié ne peut pas être assisté par un conseiller lors de la réunion d’entretien de rupture parce que le salarié pouvait, même en l’absence d’institution représentative du personnel dans l’entreprise, faire appel à un autre membre du personnel.

De surcroît, des dispositions qu’invoquait le salarié qui revendiquait notamment une assistance et des délais de convocation n’étaient applicables qu’à la procédure de licenciement (donc L. 1232-7 dans le cadre du L. 1231-1) et non à celle de la rupture du contrat de travail à durée déterminée.

Même si les termes du texte de la décision laissaient une toute petite part à l’interprétation ou à l’incertitude (ou elles étaient fortement espérées… ), ils ne permettaient pas d’ouvrir la moindre faille dans laquelle s’engouffrer, pour y voir autre chose qu’une interprétation stricte, appliquée aux seuls CDI, de l’assistance du salarié par le conseiller ; et ceci, à l’occasion des ruptures notamment décidées à l’initiative de l’employeur (licenciement) ou nées des communes intentions des parties (rupture conventionnelle légale individuelle d’un commun accord…).

A ce dernier titre, l’"accord des parties" peut aussi être trouvé et mener à une rupture d’un CDD avant son terme ; à cet accord dans le cadre d’un CDD ne s’applique pas non plus les règles de la rupture conventionnelle légale d’un commun accord du CDI (pour celle-ci, on rappellera notamment l’homologation de la convention de rupture par la Direction du travail et des délais préfix).

L’origine du trouble et sa persistance…

Article L. 1243-1 énonce que sauf accord des parties, le contrat de travail à durée déterminée ne peut être rompu avant l’échéance du terme que pour faute grave, la force majeure ou l’inaptitude constatée par le médecin du travail.

La rupture pour faute grave d’un CDD est bien une rupture anticipée prise à l’initiative de l’employeur au même titre qu’un « licenciement » (par opposition aux départs à l’initiative du salarié).

Mais, quand bien même CDD et CDI partage les mêmes modalités de réalisation d’un entretien préalable à une rupture des articles L. 1332-1 à L. 1332-3 du code du travail, l’assistance par le conseiller du salarié reste réservée au seul salarié en CDI.

Il n’y aurait pas lieu de distinguer là où la loi ne distingue pas, pourtant la rupture du CDD et celle du CDI sont bien traitées sur ce point des droits de la défense distinctement, mais les textes s’appliquent strictement, c’est le principe…

Quels sont les risques pour le salarié d’être assisté par un conseiller du salarié lors de la rupture anticipée du CDD… ?

Aucun risque pour le salarié qui ne saisit pas le conseil de prud’hommes pour évoquer une irrégularité dans la procédure de son CDD en raison de l’absence de la mention d’assistance du conseiller dans sa lettre de convocation.

En revanche, si le salarié saisit le Conseil de prud’hommes aux fins de réclamer des dommages et intérêts pour procédure irrégulière, sa demande sera très certainement rejetée.

En outre, l’employeur même tolérant, n’a nullement l’obligation ni l’intérêt d’accepter un conseiller du salarié dans le cadre de l’entretien de rupture anticipée d’un CDD. Il pourrait par ailleurs y trouver un motif de griefs supplémentaires à reprocher au salarié que d’inviter un tiers à l’entreprise dans des discussions sur des motifs notamment graves de départ…

Enfin, un tiers quelconque pourrait toujours trouver un intérêt à contester une assistance non prévue par la loi qui n’identifierait aucun fondement dans un texte du code du travail...


… Être prêt à assumer personnellement tous les risques !?

Outre l’opposition bien fondée de l’employeur, vis-à-vis de l’administration, c’est le remboursement même des frais qui est légalement remis en question… `

L’assurance responsabilité civile ne devrait pas pouvoir jouer non plus ni la protection sociale dont bénéficient les conseillers du salarié dans le code du travail.

Même si le pire n’est pas toujours à craindre, l’assistance ne pourrait être assurée qu’à titre personnel sans se réclamer directement de la mission du conseiller du salarié…

Droits des salariés en CDD non assistés par un conseiller du salarié ad hoc, quelles actions ?

La question de la constitutionnalité de la différence de droits entre salariés en CDD et CDI peut se poser (à l’occasion d’une question préalable de constitutionnalité), même si la rupture d’un contrat à durée indéterminée reste plus conséquente et peut mériter davantage de garanties que celle, anticipée, d’un CDD.

La règle du code du travail pourrait être confrontée à l’article 20 de la charte sociale européenne ou à d’autres principes de défenses des droits garantissant l’égalité de traitement…

Il n’en demeure pas moins bien un « angle mort », dans la perspective de garantir à tous une égalité de droits, de moyens et de défense face à leur employeur lors des entretiens de rupture…

Guillaume TRICHARD
Secrétaire général adjoint de l’UNSA

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