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Répartition des effectifs entre les différents collèges électoraux : que demander pour la justifier ?

dimanche 12 mars 2023 - ◷ 8 min

Un récent contentieux électoral relatif à la répartition des effectifs salariés entre les collèges, rendu par le tribunal judiciaire de Nanterre et le tribunal de proximité de Puteaux permet de clarifier les documents qui peuvent être demandés à l’employeur, en matière de données personnelles des électeurs, pour celles utiles à l’organisation des élections professionnelles (classification, coefficient, qualification professionnelle, catégorie, ...)

VOUS POUVEZ DEMANDER...

° Contexte et décision du juge du tribunal judiciaire de Nanterre, tribunal de proximité de Puteaux

La décision du tribunal contraint l’employeur à permettre aux syndicats contestataires de la répartition des salariés entre les trois collèges (Ouvriers-Employés, Techniciens-Agents de Maîtrise, Cadres...) d’accéder à des données personnelles de la déclaration sociale nominative (DSN) et à celles du registre unique du personnel (RUP) - minute n° 312023 RG n° 11-22-000883, SYNDICAT NATIONAL UNSA SANTE SOCIAUX PRIVE (SN2SP) (conjointement avec la CGT) - jugement du 16 janvier 2023 (décision restée sans exercice de voies de recours).

° FAITS : l’entreprise bloquait la communication des données éclairant la répartition des salariés entre les trois collèges, au motif du règlement général européen sur la protection des données personnelles (transposé en droit français) ("RGPD").

Le tribunal ne retient pas l’argument et moyen d’obstruction de l’employeur. Il condamne l’entreprise à communiquer ces informations. Il en profite dans le même jugement pour dénoncer le manque de loyauté dans la négociation du Protocole d’accord préélectoral et condamner l’accès restreint aux organisations syndicales aux informations...

La question du RGPD était un argument fallacieux puisqu’il relève de l’obligation légale des parties à la négociation du protocole d’accord préélectoral, de respecter ce que requiert le règlement européen, en termes de données personnelles pour une élection professionnelle.

Il s’agit pour elles, notamment de mettre en place un registre des "traitements", en lien avec les élections et les données personnelles utiles au déroulement régulier du scrutin. Cela passe par la nécessité de créer et suivre un "sous-traitement" lié (en l’espèce) au litige électoral (sous-traitement accessoire au traitement, par exemple, "élections professionnelles", d’identifier et de flécher les données indispensables à la répartition des effectifs dans les trois catégories ("collèges électoraux"), ce qu’avaient fait les syndicats au regard de leur propres obligations au ’RGPD’ (pour l’entreprise ? Cela restait à vérifier...).

Une fois le RGPD respecté, il n’y a pas pour l’entreprise à s’opposer à la communication de données personnelles utiles et nécessaires et en lien direct avec la finalité même de l’opération de "répartition des effectifs par collège", en préparation des élections des membres du comité social et économique...

° Nature des données personnelles...

Pour cette opération, les données que réclamaient les organisations syndicales étaient celles, "nominatives", relatives au "classement", à la "catégorie professionnelle" (le coefficient, le niveau, le salaire de base brut et éléments de rémunération constants assimilés au salaire de base (ceux pris en compte dans l’assiette du calcul des droits, au même titre que le salaire (!?)).

Remarque : les hautes juridictions ayant admis que le respect d’un salaire minimum conventionnel de branche professionnelle pouvait tenir compte de primes traitées comme le salaire de base pour le respect des minima conventionnels, l’utilisation de cette même "base élargie" s’impose pour le respect des droits individuels et collectifs qui s’y réfèrent (même si ce contentieux reste à "documenter" par les juridictions sociales...).

° DROITS EN ACTIONS...

Des utilisations de la DSN et du RUP pour les données de répartition dans les collèges ?

Il est indéniable qu’un registre unique du personnel à jour (les entreprises ne le sont souvent pas...) et qu’une extraction des champs ad hoc de données de la déclaration sociale nominative permettent de trancher pleinement la question de l’appartenance (ou non) des salariés aux collèges électoraux...
Il en va de même pour les salariés d’un prestataire, mis à disposition ou intervenant, à temps, sur les sites de l’entreprise utilisatrice (justification par ces entreprises à l’aide des mêmes supports existants chez elles... ).

Utilisations de la déclaration sociale nominative croisées avec le registre du Personnel...

C’est l’article 3 du décret n° 2013-266 du 28 mars 2014 relatif à la déclaration sociale nominative, qui renseigne sur l’information nominative de la donnée de "classification professionnelle" et qui en permet le fondement de la demande. Il faut y ajouter les textes relatifs au registre unique du personnel et de ses mentions obligatoires, qui doivent être tenues à jour et notamment s’agissant de la qualification professionnelle des salariés.

https://www.legifrance.gouv.fr/codes/id/LEGISCTA000024214278/

A la "qualification professionnelle" (notion juridique d’une compétence "classée" dans une grille conventionnelle d’emplois) doit correspondre le "coefficient" et, pour les élections, l’appartenance à une catégorie professionnelle et donc à un collège électif (ouvrier, employé, techniciens et agents de maîtrise, cadres, cadres dirigeants...).

Le coefficient et la catégorie rattachent le salarié à un "collège" en lien aussi avec une rémunération de base dans la convention collective nationale : la rémunération minimum comportant le salaire brut de base et tous éléments conventionnels pris en compte par la branche ou l’entreprise pour respecter le seuil conventionnel de chaque coefficient, indice ou niveau (classification professionnelle).

Ces qualifications et catégories doivent être pleinement lisibles, intelligibles et vérifiables pour tous.

Sont bien sûr également importants les informations relatives à l’âge, l’ancienneté dans l’entreprise et le sexe.

Si un seul de ces éléments utiles fait défaut pour une personne de la liste électorale et que l’omission de cette seule personne et de nature à interférer les résultats du scrutin ou son organisation, l’élection pourra être annulée.

Les entreprises ont donc plutôt intérêt à être transparentes et à communiquer leurs requêtes de données faites à partir (en général) des outils de paie.

Comment faire ses recherches dans la DSN et le RUP ?

Avec le registre unique du personnel (RUP), on accède à une "donnée personnelle archivée", depuis l’entrée dans l’entreprise et mise à jour au fil des évènements majeurs de la carrière du travailleur (cf. avenant au contrat de travail ou impact des conséquences d’une évolution de la convention collective... ).
Normalement, le coefficient, à jour, y est indiqué, mais, c’est plutôt la DSN qui actualise et fiabilise la donnée.

Avec la DSN (déclaration sociale nominative), la donnée est celle de la dernière paie : les données transmises dans la DSN mensuelle sont le reflet de la situation d’un salarié au moment où la paie a été réalisée. En complément, elle relate les évènements survenus dans le mois (maladie, maternité, changement d’un élément du contrat de travail, fin de contrat de travail…) ayant eu un impact sur la paie et pour partie sur l’électorat...

Dans le mode opératoire de la vérification de la donnée personnelle de répartition par collège, il faudrait donc, méthodologiquement, commencer par :
 identifier dans la DSN les appellations d’emploi, catégorie, coefficient et classements...
 demander l’extraction nominative, sur un an de recul par rapport au 1er tour des élections (PAP contesté), de tous les salariés relevant de la même catégorie et du même coefficient, puis de celui inférieur/supérieur (ligne de départage des classements entre les trois collèges par catégorie et appellations d’emploi...),
 faire confirmer ces données actualisées au jour du 1er tour,
 puis croiser les données qui interrogent avec celles du RUP, pour identifier les éventuelles anomalies...

Enfin pour corroborer les recherches sur les appellations d’emploi et le coefficient, une extraction nominative des montants des rémunérations conventionnelles brutes de base serait un plus (montant et coefficient de haut de bulletin)... La rémunération de base prise en compte au titre d’un seuil par catégorie ou le "point" sont des indices qui concordent ou infirment la catégorie et le classement, par profession et appellation d’emploi...
Cette perspective fait encore débat...

Il faut, par ailleurs, pouvoir récupérer également d’autres données utiles aux listes des électeurs et des éligibles et notamment, les anciennetés par coefficient :
 3 mois pour les salariés pour être électeurs,
 12 mois pour être éligibles ;
 les personnels mis à disposition de prestataires extérieurs : un an d’ancienneté de prestation sur site pour être électeurs.

Ces données sont pertinentes pour l’établissement des listes des électeurs et des éligibles... Elles donnent également sens à la propagande des syndicats dans la phase de constitution des listes de candidats par organisation syndicale...

Ces données ont vocation à rester confidentielles et à ne pas être diffusées au delà du cadre légal et des besoins du scrutin pour l’élection des membres du CSE et dans les seuls temps de l’élection et des délais de contestation des résultats.

La loyauté dans l’organisation des élections et la transparence des pratiques de classement et de répartition des effectifs dans les collèges (arbitrées par les DREETS) réclament ces données. A défaut, il reste aux organisations syndicales et à toute personne qui y aurait intérêt, à saisir le juge pour la désignation d’un expert judiciaire pour "répartir", lorsque ce n’est pas l’administration ou le juge du contentieux électoral lui-même qui se donne la capacité de ce contrôle et de la répartition des effectifs par collège...

A chacun de jouer le jeu et de rester vigilant et rigoureux sur le traitement des données électorales...

A suivre...

Auteur, Christian HERGES, Responsable Juridique, Pôle Service Juridique, Secteur Juridique National UNSA.

Pour tout commentaire, juridique@unsa.org

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