Choix du salarié en télétravail de déménager et de s’éloigner : l’employeur ne peut pas refuser de payer les frais de transport public...
jeudi 18 août 2022 - ◷ 4 min
Lors de la pandémie de Covid-19, les salariés ont eu recours au télétravail, et certains d’entre eux ont décidé d’éloigner leur domicile de leur lieu de travail en fixant leur résidence habituelle en province.
Dans un jugement du 5 juillet 2022, le tribunal judiciaire a estimé que l’employeur ne peut refuser le remboursement des frais d’abonnement aux transports publics de ceux dont il juge l’éloignement excessif.
A propos du jugement du tribunal judiciaire de Paris du 5 juillet 2022, RG 22/04735.
JURISPRUDENCE SOCIALE
CONTEXTE ET FAITS :
Lors de réunions du comité social et économique de l’UES NIM en février et mars 2022, les élus du CSE ont interrogé la Direction sur les modalités de remboursement des frais de transport en vigueur au sein de l’UES. Ils ont estimé que le refus de l’employeur de rembourser les frais de transport de salariés dont le domicile est situé à plus de deux heures de leur lieu habituel de travail était contraire aux dispositions légales.
La direction a refusé de donner suite à la demande du CSE et confirmé qu’il s’agissait d’une décision du groupe et justifié sa position par :
– l’application de l’accord télétravail, qui ne prévoit pas de jour fixe et permet au manager de demander à ses équipes de venir sur site quand nécessaire,
– le fait que la direction ne soit pas favorable au remboursement des déplacements des salariés qui ont décidé de façon unilatérale de s’installer loin de Paris et, accessoirement, de bénéficier de coûts de la vie inférieure à ceux constatés en Ile de France.
Dans ces conditions, le CSE de l’UES NIM a intenté une action devant le Tribunal judiciaire de Paris sur la demande suivante :
– le remboursement des frais de transport en raison de l’inégalité de traitement entre les salariés afin d’enjoindre à l’employeur de respecter ses obligations et de faire reconnaître l’atteinte aux prérogatives du CSE.
L’employeur est-il tenu de prendre en charge les frais de transport des salariés qui ont fait le choix de s’installer en province, loin de leur travail, pendant la crise sanitaire ?
ÉCLAIRAGES
L’employeur est condamné au remboursement des frais de transport des salariés qui ont choisi de s’éloigner de leur domicile pendant la crise sanitaire.
Pour le tribunal, en instaurant un critère d’éloignement géographique entre la résidence habituelle et le lieu de travail des salariés dans l’objectif de refuser le remboursement des frais de transport en commun des salariés, l’employeur a ajouté une condition qui n’est prévue par aucune disposition légale, réglementaire ou conventionnelle.
De même, le tribunal précise que la règle du Bulletin officiel de la sécurité sociale selon laquelle le remboursement des frais de transport de salariés dont le domicile est éloigné du lieu de travail suppose que cette domiciliation ne relève pas d’une convenance personnelle, mais de contraintes liées à l’emploi ou familiales, vaut en matière d’exonération de charges sociales mais en aucun cas en droit du travail.
Enfin, la Direction ne peut soutenir que les salariés de l’entreprise ne se trouvent pas dans une situation identique dès lors qu’ils habitent en Ile de France et en Province, quand bien même le coût de la vie est différent.
FONDEMENT JURIDIQUE :
Le tribunal fonde son jugement sur l’article L. 3261-2 du Code du travail qui prévoit que « l’employeur prend en charge, dans une proportion et des conditions déterminées par voie réglementaire, le prix des titres d’abonnements souscrits par ses salariés pour leurs déplacements entre leur résidence habituelle et leur lieu de travail accomplis au moyen de transports publics de personnes ou de services publics de location de vélos », ainsi que sur l’article R. 3261-1 du Code du travail qui fixe à 50 % la prise en charge par l’employeur des titres d’abonnement (étant précisé que dans l’entreprise la prise en charge était de 60 %).
DROITS EN ACTIONS
Les salariés peuvent réclamer le remboursement partiel de leurs abonnements aux transports publics, peu important l’éloignement géographique entre le domicile et le lieu de travail et qu’ils aient eux-mêmes décidé du lieu de leur domicile.
C’est un coût supplémentaire pour les entreprises à relativiser dès lors que cela ne concernera qu’un nombre limité de salariés et que dans le cadre du développement du télétravail, les entreprises disposent d’un certain intérêt économique non négligeable.
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