Successions d’initiatives, motifs et modalités d’une même rupture du contrat de travail : décrypter le régime applicable...
mercredi 15 juin 2022 - ◷ 3 min
Un salarié qui demande la résiliation de son contrat de travail en raison de faits qu’il reproche à son employeur et qui est licencié ultérieurement : le juge doit d’abord rechercher si la demande de résiliation judiciaire était justifiée...
La jurisprudence mise en exergue dans cet article sensibilise à une analyse fine de la chaîne des causes et des procédures de départ et de l’importance du contexte...
JURISPRUDENCE SOCIALE
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FAITS : Dans cette affaire, un salarié a été engagé en qualité d’agent d’entretien et exerçait en dernier lieu les fonctions de conducteur de travaux. En 2016, 18 ans plus tard, il saisit le conseil de prud’hommes d’une demande de résiliation judiciaire du contrat de travail, au motif notamment du non-paiement d’heures supplémentaires.
L’employeur le licencie pour faute grave et paie les heures supplémentaires litigieuses.
Le salarié indique que ces heures supplémentaires n’ont pas été payées durant quatre années, ce qui constitue un manquement grave de l’employeur rendant impossible la poursuite du contrat de travail. Il insiste sur le fait que la régularisation intervenue après le prononcé du licenciement n’a pas pu rendre possible la poursuite du contrat de travail.
La cour d’appel déboute cependant le salarié de l’ensemble de ses demandes au titre de la résiliation judiciaire du contrat de travail et de sa demande en paiement d’heures supplémentaires, écartant le manquement de l’employeur au paiement desdites heures supplémentaires.
Le paiement des heures supplémentaires, cause de la résiliation judiciaire initiale du contrat de contrat de travail d’un salarié aux torts de l’employeur, a-t-il pour conséquence la poursuite du contrat de travail ?
La Cour de cassation répond par la négative et casse l’arrêt.
ECLAIRAGE
La Cour rappelle dans un premier temps les dispositions des articles L. 1221-1 du code du travail, et 1184 du code civil, selon lesquelles :
– le juge doit d’abord rechercher si la demande de résiliation judiciaire est justifiée.
Pour apprécier si les manquements de l’employeur sont de nature à empêcher la poursuite du contrat de travail, il peut "tenir compte de la régularisation survenue jusqu’à la date du licenciement".
DROITS EN ACTIONS
ANALYSE : Cet arrêt rappelle l’ordre dans lequel les juges sont tenus de procéder en cas de résiliation judiciaire du contrat de travail.
Ce sont les motifs de la première modalité de rupture (la résiliation) qui doivent d’abord être appréciés : sans cette première procédure, la seconde (le licenciement) n’aurait peut-être pas été engagée.
En l’espèce, la résiliation a été effectuée au motif que l’employeur avait failli à son obligation de payer les heures supplémentaires de son salarié. Ce manquement étant avéré et de nature à empêcher la poursuite du contrat de travail, la résiliation est justifiée et le contrat est effectivement rompu aux torts de l’employeur...
La disposition selon laquelle « il peut tenir compte de la régularisation survenue jusqu’à la date du licenciement » n’a pas pour effet de suspendre la rupture d’un contrat qui de fait est déjà rompu...
De manière générale, en matière de droit, la réparation de la faute n’efface pas celle-ci et l’engagement d’une responsabilité. Au mieux, la réparation peut atténuer la sanction ; mais, il y aura sanction...
Christian HERGES, Responsable du Service Juridique, Secteur Juridique National UNSA.
Pour toutes questions : juridique@unsa.org