Contester l’avis d’inaptitude du médecin du travail tient compte de la nature de l’affection...
vendredi 23 décembre 2022 - ◷ 4 min
Le médecin du travail n’a pas besoin de mettre en oeuvre tous les moyens dont il dispose légalement pour rendre un avis d’aptitude ou d’inaptitude...
Dans l’affaire abordée, l’employeur considérait qu’il y avait de la part du médecin du travail, puis du juge, dans l’appréciation de la formation d’un avis d’inaptitude, un non-respect de la procédure légale de constat d’inaptitude. La Cour de cassation en juge autrement...
JURISPRUDENCE SOCIALE RELATIVE A L’INAPTITUDE D’UN SALARIE...
Le non-respect de la procédure de constat d’inaptitude par le médecin du travail ne remet pas en cause à lui seul l’avis d’inaptitude.
Cass soc, 7 décembre 2022, n° 21-17.927
https://www.legifrance.gouv.fr/juri...
EN BREF
Le salarié ou l’employeur peut saisir le conseil de prud’hommes selon la procédure accélérée au fond (appelée procédure « en la forme des référés » jusqu’au 1er janvier 2020), d’une contestation :
– portant sur les avis, propositions, conclusions écrites ou indications émises par le médecin du travail reposant sur des éléments de nature médicale en application des articles L. 4624-2 (avis d’aptitude réservé aux salariés bénéficiant d’un suivi médical renforcé), L. 4624-3 (propositions de mesures individuelles d’aménagement du poste de travail) et L. 4624-4 (avis d’inaptitude) du code du travail (C. trav., art. L. 4624-7) ;
– dans un délai de 15 jours à compter de leur notification (art. R. 4624-45).
Concernant ce délai, la Cour de cassation précise que si l’avis d’inaptitude rendu par le médecin du travail mentionne les voies et délais de recours et n’a fait l’objet d’aucune contestation dans le délai de 15 jours, la régularité de l’avis ne peut plus être contestée et cet avis s’impose aux parties, comme au juge et ce, que la contestation concerne les éléments purement médicaux ou l’étude de poste (Cass. soc. 7 déc. 2022, n° 21-23.662).
CONTEXTE DE LA SAISINE
Dans cette affaire, à la suite d’une visite de reprise d’un salarié le médecin du travail a émis un « avis d’inaptitude » indiquant : « tout maintien du salarié dans un emploi serait gravement préjudiciable à sa santé. L’état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans un emploi ».
Dix jours après, l’employeur saisit le conseil de prud’hommes, statuant en la forme des référés (procédure applicable au moment des faits), aux fins de contester l’avis d’inaptitude et demander l’organisation d’une expertise.
Les juges du fond confirment l’inaptitude du salarié.
L’employeur forme un pourvoi. Il conteste les avis d’inaptitude au motif que la procédure de constat d’inaptitude suivie par le médecin du travail et le médecin inspecteur régional du travail n’avait pas été respectée car les avis d’inaptitude n’ont été précédés d’aucune étude de poste, ni d’aucune étude des conditions de travail au sein de l’établissement comme l’exigent les articles L. 4624-4 et R. 4624-42 du code du travail.
Pour rappel, selon ces articles, le médecin du travail ne peut déclarer un salarié inapte à son poste de travail qu’après avoir réalisé un ou plusieurs examens médicaux, procédé ou fait procéder à une étude de poste et des conditions de travail et après avoir échangé avec le salarié et l’employeur.
L’absence d’étude de poste et des conditions de travail du salarié constitue-t-elle en soit une irrégularité de procédure pouvant remettre en cause l’avis d’inaptitude ?
L’ANALYSE DE LA COUR DE CASSATION
La Cour de cassation rejette le pourvoi. Elle constate que la cour d’appel a procédé à l’examen de la procédure suivie par le médecin du travail et a relevé, que l’inaptitude de l’intéressé ne résultait pas des conditions de travail, mais d’une dégradation des relations entre les parties pendant l’arrêt de travail et des conséquences psychiques qui en résultaient.
La Cour de cassation en déduit que l’absence d’études récentes était sans influence sur les conclusions du médecin du travail qui concernaient une période postérieure à l’arrêt de travail.
ECLAIRAGES
Lorsque le conseil de prud’hommes est saisi d’une contestation d’avis d’(in) aptitude, il peut examiner les éléments de toute nature sur lesquels le médecin du travail s’est fondé pour rendre son avis. Il substitue à cet avis sa propre décision, après avoir le cas échéant ordonné une mesure d’instruction (Cass. soc. 17 mars 2021, n° 21-70.002, n° 15002 P).
Cependant, le non-respect de la procédure du constat de l’inaptitude par le médecin du travail prévue par l’article R. 4624-42 du code du travail ne suffit pas à lui seul à remettre en cause l’avis d’inaptitude.
Auteure Sophie RIOLLET, juriste, Pôle service juridique du Secteur Juridique National de l’UNSA.
Pour tous commentaires ou questions, juridique@unsa.org