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Désignations dérogatoires de délégués syndicaux dans le protocole d’accord préélectoral

samedi 9 octobre 2021 - ◷ 5 min

Les conditions tenant à la désignation du délégué syndical dans les établissements de plus de 50 salariés peuvent être modifiées par accord.

JURISPRUDENCE SOCIALE

La haute juridiction valide la désignation dérogatoire de délégués syndicaux via un protocole d’accord préélectoral...

Cass., soc., 7 juillet 2021, n°20-16.497
https://www.dalloz.fr/documentation...

Les faits : un protocole d’accord préélectoral (PAP) avait prévu la mise en place de 4 CSE dans une entreprise recomposée pour l’occasion en 4 établissements distincts (ED).

Une fois les élections professionnelles passées, le syndicat CFE-CGC a procédé à la désignation de délégués syndicaux dans chaque établissement. Or, l’un de ces établissements n’est composé que de 41 salariés alors que le cadre de la désignation doit se faire dans les entreprises et établissements d’au moins 50 salariés.

Le litige : La direction de l’entreprise a saisi le tribunal judiciaire en contestation de la validité de la désignation. Motif invoqué : le non-respect de la condition de validité relative au seuil à l’article L.2143-3 du Code du travail, soit 50 salariés.

Les juges du fond ont fait droit à la demande et ont annulé le mandatement. Ils ont en effet considéré que le PAP ne valait pas accord dérogatoire. Seul un accord spécifiquement conclu en ce sens pourrait permettre la dérogation aux conditions légales relatives au seuil.

Le syndicat contestant la légalité de cette décision s’est pourvu en cassation. Il considère en effet qu’un accord mettant en place des établissements distincts ayant un fonctionnement autonome les uns par rapport aux autres engendre une dérogation au seuil des 50 salariés pour la désignation des délégués syndicaux.

Position de la Cour de cassation : les juges de la haute Cour ont estimé que la désignation dans l’établissement distinct est valable quand bien même le critère des 50 salariés n’est pas atteint.

Ils ont rappelé, d’une part, que le critère de l’autonomie de gestion est bien rempli et que le découpage d’une entreprise en établissements ne peut avoir pour effet de priver certains salariés du droit à la représentation syndicale.
D’autre part, la Cour a rappelé qu’il est possible de déroger aux critères légaux du périmètre des désignations par la négociation collective. Elle a finalement considéré que le PAP avait permis cette dérogation en prévoyant dès l’origine qu’un des établissements serait composé de 41 salariés.

Notre analyse : quelles sont les modalités de mandatement lorsqu’une entreprise d’au moins 50 salariés est composée de plusieurs établissements distincts dont tout ou partie ne réunissent pas le critère des 50 salariés ?

Le principe est que la désignation des délégués syndicaux doit se faire au niveau de l’entreprise (Cass., soc., 5 déc. 2000, n°99-60.327).

Qu’en est-il si tous les établissements distincts d’une entreprise comportent au moins 50 salariés ?

Dans ce cas, les syndicats représentatifs peuvent procéder alternativement (Cass., soc., 10 juill. 1997, n° 96-60.424) à la désignation d’un délégué syndical au niveau de l’entreprise ou à celui des établissements distincts.

Il s’agit d’un choix discrétionnaire relevant de la seule appréciation des organisations syndicales représentatives et découlant de la rédaction de l’article L.2143-3 c. trav. (Cass., soc., 9 juin 2021, n° 20-14.171).

Droits en action :

Les négociateurs au niveau de l’entreprise peuvent s’entendre pour négocier des modalités modifiant les périmètres de désignation. Et dans cette affaire c’est ce qui faisait défaut selon les juges de la cour d’appel. Ils ont constaté qu’aucun accord spécifique n’était venu mettre en place une solution convenue dérogatoire permettant la désignation dans les établissements de moins de 50 salariés de l’entreprise.

La Cour de cassation a rappelé à juste titre que le Code du travail ne prévoit pas l’obligation qu’un accord portant exclusivement sur cette thématique ne soit établi.
Le PAP en question ne l’établissait d’ailleurs pas lui-même explicitement. Qu’à cela ne tienne, le fait que le protocole ait expressément prévu la mise en place d’un établissement de 41 personnes pour l’instauration des élections professionnelles ouvre, selon la Cour de cassation, le droit pour les syndicats représentatif de désigner un DS dans l’établissement dont il est question.

Autrement dit et de manière très concrète, la négociation du protocole d’accord préélectoral est un moment clé dans l’implantation/ développement syndical.

Cet arrêt est une parfaite illustration de l’importance du contenu négocié du protocole d’accord préélectoral. Alors même que la condition légale des 50 salariés faisait défaut, l’inscription du nombre de salariés par établissement distinct a emporté l’effectivité du droit d’opportunité pour les syndicats dans le choix du niveau de désignation.

Nul doute aussi que la Cour de cassation y a vu finalement un principe de faveur : si dès 41 salariés l’établissement a une représentation convenue, sans qu’il soit requis cinquante salariés, nombre prévu par la loi, autant donner tous les effets de droits collectifs impartis à l’établissement de 50 salariés à cette organisation à 41 salariés...

En même temps, c’est la preuve que le champ de la négociation collective ouvre encore des perspectives de mise en place de droits collectifs nouveaux et évolutifs... A bon négociateur, beaucoup d’innovation sociale reste possible...

Auteur, Michel PEPIN, Juriste en droit social, Service Juridique, Secteur Juridique National UNSA, Bagnolet.

Pour tout éclairage complémentaire, une adresse de contact : juridique@unsa.org

Vos questions alimenteront la FAQ du Secteur Juridique National.

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