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Dommages et intérêts sans preuve d’un préjudice pour un dépassement d’heures...

mardi 12 avril 2022 - ◷ 3 min

Le salarié exerçant une action en justice pour percevoir des dommages et intérêts sur le motif du dépassement de la durée maximale de travail hebdomadaire n’a plus à démontrer l’existence d’un préjudice découlant de ce dépassement...

JURISPRUDENCE SOCIALE

Chauffeurs livreurs...

Cass., soc., 26 janvier 2022, n°20-21.636

https://www.legifrance.gouv.fr/juri...

Faits : un salarié a été engagé en tant que chauffeur livreur. Deux mois après son embauche, il a vu sa période d’essai rompue par l’employeur pour insuffisance de résultats.

Non content d’avoir mis un terme à la relation de travail de son salarié, l’employeur saisit la juridiction prud’homale afin que lui soit restitué un trop-perçu de salaire et que le salarié soit condamné à lui verser des dommages et intérêts.

En réponse, le salarié demande la condamnation de l’employeur au paiement de dommages et intérêts.
Il justifie sa requête par le fait que l’employeur l’aurait contraint à travailler sur une semaine plus de 48 heures, ce qui contrevient à la réglementation française et européenne.

Les juges du fond et des faits vont rejeter la demande du salarié, malgré des semaines à plus de 48 heures et des dépassements caractérisés. Ils considèrent que ce salarié "devait établir le préjudice découlant du manquement".

La Cour de cassation censure la décision de la cour d’appel en s’appuyant sur la directive européenne n°2003/88 portant sur la durée maximale de travail telle qu’interprétée par le juge de l’Union.

Le selarié n’est pas tenu de démontrer l’étendue du préjudice découlant du non-respect des obligations légales par l’employeur. La seule obligation à sa charge est d’apporter la démonstration que le temps réellement effectué dépassait bien la durée hebdomadaire légale maximum de travail.

Il en résulte donc que le seul manquement de l’employeur aux dispositions en matière de temps maximal de travail est suffisant pour causer « nécessairement » un "préjudice" au salarié.

En formulant ainsi leur décision, les juges de cassation consacrent l’existence d’un préjudice découlant mécaniquement de cette faute de l’employeur.

ECLAIRAGES : pour bien comprendre cette décision, deux éléments retiennent l’attention.

Le premier est la nature juridique de la norme européenne qui a été mobilisée par les juges. Il s’agit d’une directive qui, une fois régulièrement adoptée, est directement applicable dans chaque Etat membre de l’Union.

Il n’est pas utile qu’un texte (une loi, un décret etc.) soit adopté en France, pour que ses prescriptions deviennent impératives en France. Les juges de la Cour de justice de l’Union étant les garants de l’interprétation des textes européens, le fait que les magistrats français finissent par s’aligner sur cette façon de procéder était inévitable.

Bien plus encore, le manquement reproché à l’employeur n’est pas simplement la non-application d’un texte lambda. Ce sont les droits garantis et protégés par ce texte qui expliquent le sens de la décision.

Une directive européenne garantit l’effectivité du droit au repos dont doit pouvoir jouir chaque salarié.

Le dépassement du temps maximal de travail impacte directement les temps de repos garantis ; ce simple constat a des conséquences sur la santé des travailleurs.

Par conséquent, le salarié est reconnu subir de plein droit un "préjudice automatique" du fait du manquement de l’employeur. C.Q.F.D.

Auteur Michel PEPIN, juriste, Pôle service juridique du Secteur Juridique National de l’UNSA.

Pour tous commentaires ou question, juridique@unsa.org

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