Même la pratique de compétitions sportives durant un arrêt maladie n’est pas forcément déloyale... Si cela n’est néanmoins pas conseillé, l’entreprise ne peut y trouver de plein droit un motif de rupture du contrat... C’est ce que nous dit en substance la Cour de cassation. Les faits de l’espèce, tous les faits et rien que les faits... et l’existence d’un dommage pour l’entreprise, c’est ce que nous vous proposons, par cette brève, de vous commenter...
JURISPRUDENCE SOCIALE :
A propos de l’arrêt de la Cour de cassation du 1er février 2023 n° 21-20.526 : la pratique de compétitions sportives durant un arrêt maladie n’est pas forcément déloyale...
Par cet arrêt en date du 1er février 2023, la Cour de cassation tranche une problématique à cheval à la fois sur la vie personnelle et sur la vie professionnelle.
° DECISION
L’exercice d’une activité physique, pendant un arrêt de travail, provoqué par la maladie, ne constitue pas en lui-même un manquement à l’obligation de loyauté qui subsiste pendant la durée de cet arrêt.
– FAITS : un homme a été engagé par l’EPIC Régie autonome des transports parisiens (la RATP) le 29 septembre 2006, en qualité d’opérateur de contrôle et, se trouve révoqué le 13 février 2018 : l’employeur lui reprochait la pratique d’une activité sportive (des compétitions de badminton) durant son arrêt de travail.
Il a saisi la juridiction prud’homale afin de contester la révocation.
- PROCEDURE : la Cour d’appel a donné raison au salarié : l’employeur a été condamné à payer des sommes à titre d’indemnité de préavis et congés payés afférents, d’indemnité légale de licenciement et de dommages-intérêts pour révocation sans cause réelle et sérieuse.
L’employeur a donc saisi la Cour de cassation arguant principalement d’un préjudice du fait qu’il assure lui-même le risque maladie de ses salariés, et du fait que cela est susceptible d’aggraver son état de santé.
La question qui se pose dans ce cas est donc celle de la loyauté du salarié qui pratique une activité physique alors qu’il est arrêté pour maladie ?
(A noter, que les contentieux sont déjà nombreux dans le champ de la contestation de la maladie professionnelle lorsque l’affection du salarié peut être en lien avec la pratique intense d’un sport dont les blessures et affections consécutives peuvent handicaper ou se cumuler avec des postures ou gestes professionnels également en lien avec l’affection physique d’origine, en partie, sportive... (cf. contentieux de la sécurité sociale).
° ECLAIRAGES
La Cour de cassation a rejeté le pourvoi en considérant que "l’exercice d’une activité, pendant un arrêt de travail provoqué par la maladie, ne constitue pas en lui-même un manquement à l’obligation de loyauté qui subsiste pendant la durée de l’arrêt".
La raison qui pourrait fonder un licenciement serait que l’acte commis par le salarié durant la suspension du contrat de travail, porte préjudice à l’employeur ou à l’entreprise.
Dans ce cas précis, il n’est pas démontré que la participation aux compétitions a aggravé l’état de santé du salarié ou prolongé ses arrêts de travail, et ne porte donc pas de préjudice à l’employeur.
Ce préjudice ne peut résulter que du simple maintien intégral du salaire par l’employeur, conséquence de l’arrêt de travail.
° FONDEMENTS JURIDIQUES DE LA DECISION ?
Cet arrêt rappelle deux points essentiels, l’exercice d’une activité pendant un arrêt de travail en raison de la maladie n’est pas en lui-même un manquement à l’obligation de loyauté : l’obligation subsiste pendant la durée de l’arrêt (cf. Cass. Soc. 4 juin 2002 n° 00-40.894 ou encore Cass. Soc. 11 juin 2003 n° 02-42.818).
Également, pour que le manquement à l’obligation de loyauté justifie le licenciement, il faut que l’activité crée un préjudice à l’employeur ou l’entreprise (cf. Cass. Soc. 12 octobre 2011 n° 10-16.649 ou encore Cass. Soc. 21 novembre 2018 n° 16-28.513).
D’ailleurs dans une affaire impliquant déjà la RATP, la Cour de cassation avait déjà censuré une décision confirmant le licenciement d’un mécanicien qui avait pratiqué des activités de "rallye" durant son arrêt maladie : il n’avait pas été recherché si l’activité avait porté préjudice à l’employeur (cf. Cass. Soc. 16 octobre 2013 n° 12-15.638).
° DROIT EN ACTIONS :
Les principales nouveautés ici sont de trancher le fait de savoir si le préjudice causé à l’employeur peut résulter ou non du paiement intégral du salaire par celui-ci durant l’arrêt maladie et, si ce préjudice peut résulter de l’exercice par le salarié d’une activité pendant ses arrêts de travail, celles-ci ayant pu entrainer une aggravation de son état de santé ou prolongé son arrêt...
C’est bien autour du préjudice pour l’entreprise (non démontré ici...) que semble principalement s’articuler et se fonder, ici, les motifs de la décision des juges. Et ce, au détriment de ce qui pourrait constituer subjectivement pour l’employeur la déloyauté et une perte de confiance... Ce sont les conséquences de celle-ci qui emportent bien la position (ce qui est légitime)... Position classique (il ne suffit pas que des faits soient réels, encore faut-il qu’ils soient sérieux et qu’on les démontre...), pour une situation de faits, qui pourrait, on le comprendra, néanmoins choquer...
Auteur, Louis BERVICK, Juriste en Droit social, Pôle Service juridique, Secteur Juridique National UNSA.
Pour toutes précisions, juridique@unsa.org