Listes communes de candidats aux élections professionnelles : afficher son "étiquette" syndicale est indispensable !
lundi 13 mars 2023 - ◷ 5 min
Pour optimiser leur majorité de gestion des oeuvres sociales et culturelles au sein du CSE ou atteindre les seuils de majorité requis pour être élus (enjeux autour de la représentativité syndicale), signer des accords collectifs d’entreprise et leur donner effets, les organisations syndicales, dans l’entreprise, font "listes communes"...
A l’heure où les étiquettes et les logos syndicaux s’affichent très largement et se diffusent "dématérialisés", la présente brève fait le point sur l’importance de cet "affichage" et ses enjeux en jurisprudence dans le cadre du contrôle du juge...
JURISPRUDENCE SOCIALE
Dans le cadre du dépôt d’une liste commune avec d’autres organisations syndicales, il est important de rendre apparente l’étiquette syndicale devant les noms des candidats. On vous explique pourquoi...
L’opportunité de l’affichage de la liste commune de candidats aux élections du CSE...
D’une part le législateur prévoit que lorsque plusieurs syndicats forment une "liste commune", ils doivent indiquer sur quelle base ils entendent voir s’opérer la répartition des suffrages exprimés en faveur de cette liste (1). Ils doivent, par ailleurs, "porter" cette répartition définitive (et, impossible à modifier a posteriori (2)) à la connaissance des électeurs de l’entreprise ou de l’établissement concerné, avant le déroulement des élections (une exigence de savoir pour eux pour qui ils votent...).
En l’absence de clé de répartition indiquée par les syndicats de la liste commune, la répartition des suffrages obtenus s’opérera à parts égales (3).
C’est dans ce contexte que l’affichage de l’étiquette syndicale joue tout son rôle et sa prévalence. L’absence d’étiquette devant les noms des candidats de la liste pourrait dans certaines circonstances rendre la clé de répartition inintelligible et complexe à mettre en œuvre.
Ainsi, par exemple, comment la direction pourra s’assurer, que l’absence de tel élu titulaire sera bien suppléée par une personne relevant de la même étiquette syndicale, afin de ne pas privilégier une organisation par rapport à une autre ? Cela pourrait ainsi être de nature à augmenter le risque de conflits, pour manquement à l’obligation de neutralité de l’employeur.
Enfin, les organisations syndicales faisant liste commune n’indiquent pas toujours la façon dont elles entendent procéder à leur répartition. Il est parfaitement admis que celle-ci peut résulter, pour chaque candidat de liste, de la mention de leur appartenance à l’un ou l’autre des syndicats (4).
Cet affichage syndical permet aux listes communes, en outre, de respecter leur obligation d’information préalable de la répartition des suffrages tant à l’employeur qu’aux salariés de l’entreprise (3).
Il permettra ensuite de définir, en cas de départ d’un élu de la liste commune, celui qui lui succèderait en nombre de voix et en fonction de "l’étiquette", si les organisations qui se regroupent souhaitent respecter des critères rationnels et objectifs de nominations dans un ordre des successibles sur la liste issu des urnes et du scrutin...
Ce sera ensuite un moyen sûr pour les deux organisations de désigner, à partir de leurs candidats et parmi ceux "étiquettés" respectivement sur une même liste commune, leurs délégués syndicaux.
Et la "marque syndicale"...
On rappellera enfin que d’autres enjeux syndicaux sont attachés à la "marque" syndicale et à son affichage. L’adhésion à un syndicat et l’adoption de la charte graphique de celui-ci se traduit aussi par l’engagement à respecter certaines obligations syndicales d’utilisation et de promotion de la "marque". Celle-ci porte également les valeurs du Syndicat que tout adhérent s’engage à respecter, représenter et "diffuser". C’est d’ailleurs un lien juridique et de satisfaction des buts de l’organisation syndicale partagé même entre syndicats autonomes d’une même Union syndicale...
De plus, même si un simple sympathisant peut être inscrit sur une liste syndicale, il ne pourra pas se présenter à l’élection sur cette liste en souhaitant l’indication qu’il est "sans-étiquette" avec des candidats sous logo d’une organisation syndicale. Le monopole est bien celui de présentation de listes par les syndicats au 1er tour des élections...
Droits en actions
Il faudra toujours bien s’interroger sur la "stratégie" de positionnement du syndicat, sur le choix de faire ou non "liste commune" avec d’autres.
Atteindre une majorité relative conjointe sur une même liste se traduit souvent par une perte de représentativité individuelle et propre de chaque syndicat d’une même liste commune. La liste commune sera utile particulièrement dans des environnements et contextes de concurrence forte entre les organisations syndicales, nécessitant une approche d’alliance de "conquête" ou de "défense des positions", parfois de résistance mutuelle face à des comportements anti-syndicaux... Cela peut être aussi le cas dans les entreprises qui viennent de s’ouvrir au syndicalisme, avec de fortes représentations des salariés sans-étiquettes au comité social et économique, qui souvent y sont davantage dans la seule perspective de développer les activités sociales du CSE...
Auteurs Michel PEPIN, juriste et Christian HERGES, responsable juridique, Pôle service juridique du Secteur Juridique National de l’UNSA.
Pour tous commentaires ou question, juridique@unsa.org
Sources :
(1) C. trav., art. L. 2122-3 :
[>https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000019353553#:~:text=Lorsqu’une%20liste%20commune%20a,du%20dépôt%20de%20leur%20liste.]
(2) Cass. soc., 10 mars 2016, no 15-16.807 :
https://www.legifrance.gouv.fr/juri...
(3) Cass. soc., 24 oct. 2012, n° 11-61.166
https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000026541228?isSuggest=true
(4) Cass., soc., 13 octobre 2010, n° 09-60.456