Mauvaise foi de l’employeur dans la qualification du motif de licenciement : il faut bien y regarder !
mardi 17 janvier 2023 - ◷ 4 min
L’employeur peut-il engager une procédure de licenciement pour insuffisance professionnelle immédiatement après le refus par un salarié d’une rétrogradation disciplinaire ?
JURISPRUDENCE SOCIALE :
https://www.legifrance.gouv.fr/juri...
A propos de la décision :
Cassation sociale 9 mars 2022, n° 20-17.005
° QUESTIONS DE DROITS
En l’espèce, un salarié est convoqué à un entretien préalable à une sanction disciplinaire et se voit alors proposer un poste correspondant à une rétrogradation disciplinaire avec une rémunération mensuelle réduite, ce qu’il refuse...
Dès le lendemain de son refus, il est convoqué à un nouvel entretien préalable puis licencié par l’employeur pour insuffisance professionnelle.
Il saisit la juridiction prud’homale pour contester la rupture de son contrat de travail et obtenir l’indemnisation de divers préjudices allégués.
La Cour d’appel juge le licenciement dénué de cause réelle et sérieuse et alloue des dommages et intérêts au salarié, considérant que l’employeur n’était pas resté sur le terrain disciplinaire pour rompre le contrat de travail.
° ÉCLAIRAGES
La Cour de Cassation casse la décision des juges du fond et précise sous le visa de l’article L.1232-6 du Code de travail, « qu’il résulte de ce texte que c’est le motif de la rupture mentionné dans la lettre de licenciement qui détermine le caractère disciplinaire ou non du licenciement, peu important la proposition faite par l’employeur d’une rétrogradation disciplinaire ; qu’en statuant ainsi, la Cour a violé l’article L.1232-6 du Code du travail. »
- FONDEMENT JURIDIQUE :
Il convient de rappeler que selon l’article L. 1232-6 du Code du travail, c’est la lettre de licenciement qui fixe les limites du litige, et en cas de contestation du licenciement l’employeur ne peut invoquer d’autres faits devant le Conseil de prud’hommes.
Il s’agit donc initialement d’une règle favorable au salarié.
La cause réelle et sérieuse d’un licenciement est appréciée seulement au regard des griefs précis, objectifs et vérifiables énoncés par l’employeur aux termes de la lettre de licenciement.
Dès lors si l’employeur a omis d’énoncer un grief important aux termes de la lettre de licenciement, il ne pourra pas rectifier ou compléter la lettre de licenciement a posteriori, ni se prévaloir jamais des faits qu’il aura omis de préciser.
Toutefois, l’arrêt susvisé rendu le 9 mars 2022 se réfère cette fois à l’article L. 1232-6 du Code du travail pour débouter le salarié qui souhaitait soulever des circonstances de faits extérieures à la lettre de licenciement.
Ce faisant, la Cour de Cassation considère que le contexte entourant le licenciement, extérieur aux motifs énoncés aux termes de la lettre de licenciement, ne permet pas d’invalider le licenciement et de déterminer si celui-ci est fondé ou pas sur une cause réelle et sérieuse.
° DROITS ET ACTIONS :
Dans l’hypothèse de ce type de contentieux, mis en œuvre par un salarié pour contester la cause réelle et sérieuse du licenciement et, compte tenu de cette jurisprudence, il reste néanmoins encore possible de soulever l’application de l’article L. 1222-1 du Code du travail (*) et de faire état de la mauvaise foi de l’employeur lors de l’exécution du contrat de travail.
Auteur, Pôle Service Juridique, Secteur Juridique National UNSA,
Pour toute question ou commentaire : juridique@unsa.org
(*) "Le contrat de travail est (doit être) exécuté de bonne foi" par l’employeur à l’occasion de toute décision concernant la gestion de celui-ci : la sanction : le juge aurait pu retenir que l’attitude de l’employeur n’était pas, dans la qualification du motif du licenciement, "sérieuse" et qu’il n’avait pas rempli avec loyauté l’exécution de son obligation dans le cadre du contrat de travail. Le licenciement aurait été dépourvu de cause réelle et sérieuse, l’employeur ; condamné à payer les indemnités dues y afférentes...