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Oui, le vote électronique doit passer par la négociation collective d’un accord collectif, mais...

lundi 12 décembre 2022 - ◷ 4 min

La décision commentée ici rappelle l’importance, jugée quasiment "vitale", de la négociation collective dans le recours au vote électronique. Mais, avec une réserve de taille présentée à votre attention...

JURISPRUDENCE SOCIALE

La présente décision rappelle l’importance, jugée quasiment vitale de la négociation collective dans le recours au vote électronique. Mais avec une réserve de taille.

Cass. soc., 13 janv. 2021, n° 19-23.533
https://www.legifrance.gouv.fr/juri...

CONTEXTE

Dans cet arrêt, la Cour de cassation a répondu à trois questions s’agissant du recours au vote électronique pour les élections professionnelles en entreprise :
1) la contestation de la décision de recours au vote électronique relève-t-elle de la procédure applicable au contentieux des accords collectifs ou de celle applicable au contentieux électoral ?
2) que signifie la formule « à défaut d’accord » permettant à l’employeur de décider unilatéralement du recours au vote électronique ?
3) la prévalence de la négociation collective sur la décision unilatérale de l’employeur oblige-t-elle, en l’absence de délégués syndicaux dans l’entreprise, à tenter de recourir à la négociation dérogatoire ?

COMPETENCE JURIDICTIONNELLE

Il résulte de sa décision, que le recours au vote électronique prévu par accord collectif ou, par décision unilatérale de l’employeur constitue une modalité d’organisation des élections. Il relève de ce fait du contentieux électoral.
Pour pouvoir être mis en place, le recours au vote électronique doit, à la fois, être prévu dans le protocole préélectoral mais également être préalablement encadré par un accord collectif de droit commun. Or, c’est à propos de l’éventualité d’un contentieux avec ce dernier que la question était soulevée.

Il aurait pu sembler logique que les mécanismes applicables, notamment s’agissant des voies de recours, soient celles de droit commun. Mais, la Cour en décide autrement. Elle fait prévaloir l’objet sur le support.
Aussi, la procédure en contestation d’un accord collectif portant sur le recours au vote électronique reposera sur une procédure orale (CPC, art. 817), sans représentation obligatoire (CPC, art. 761).

On note néanmoins une limite à cette volonté protectrice : en plaçant le contentieux de l’accord collectif sous l’égide du contentieux électoral, le délai de saisine est considérablement réduit.

Est-ce à dire qu’il faille considérer les demandeurs forclos à agir lorsqu’ils saisissent le tribunal judiciaire dans un délai de plus de 15 jours suivant la conclusion de l’accord ?

Par une application littérale du principe, c’est ce qu’il conviendrait de conclure. Néanmoins, le sens de la décision se voulant volontairement protecteur pourrait inviter à considérer que le délai de 3 mois pour contester un accord collectif pourrait être maintenu. Affaire à suivre.

LOYAUTE DES NEGOCIATIONS

Ce n’est que lorsque, à l’issue d’une tentative loyale de négociation, un accord collectif n’a pu être conclu que l’employeur peut prévoir, par décision unilatérale, la possibilité et les modalités d’un vote électronique.

Ce point a été soulevé en raison de la défiance que l’on peut retrouver vis-à-vis d’une expression numérique de la “volonté” des salariés. C’est en ce sens que la Cour rappelle la nécessité voulue par le législateur d’encadrer, par la pratique, le recours au vote électronique ainsi que l’importance de l’obligation loyale de négocier.

Le recours au vote électronique voulu par l’employeur doit faire l’objet d’une négociation sérieuse, c’est-à-dire avec une réelle volonté de conclure un accord. Cela passe généralement par des concessions réciproques et non pas le fait pour l’employeur d’imposer un texte déjà tout prêt sans en accepter la moindre modification, au motif, à défaut, que le texte sera adopté en l’état par voie unilatérale.

ÉTAT DE LA NÉGOCIATION EN L’ABSENCE DE DELEGUE SYNDICAL

Enfin, en l’absence de délégués syndicaux, le préalable de la négociation ne s’applique pas. Ce point est en soi assez décevant et remet en doute l’affirmation précédente de l’importance de la négociation pour la mise en place de ce dispositif. Pourtant, il aurait été possible de considérer la négociation possible dès lors qu’il existe des élus dans l’entreprise et d’engager les négociations avec les élus avec ou sans mandatement syndical.

Auteur Michel PEPIN, juriste, Pôle service juridique du Secteur Juridique National de l’UNSA.
Pour tous commentaires ou question, juridique@unsa.org

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