Protocole d’accord préélectoral : attention à la "signature sans réserve"
dimanche 6 février 2022 - ◷ 3 min
Lorsque le protocole préélectoral est conclu aux règles de double majorité, un syndicat qui l’a signé ou, qui a présenté des candidats sans émettre de réserves ne peut en contester la validité après la proclamation des résultats.
Jurisprudence sociale
Cass. soc. 24 novembre 2021, n° 20-20962 P
https://www.legifrance.gouv.fr/juri...
QUESTIONS DE DROITS...
Dans cette affaire, un protocole d’accord préélectoral (PAP) a été conclu et signé par la Direction et quatre syndicats. Après communication des résultats du premier tour, un syndicat saisit le tribunal judiciaire d’une demande d’annulation du protocole et du 1er tour des élections.
La Direction et deux autres syndicats signataires du protocole considèrent qu’une réclamation était irrecevable dans la mesure où le syndicat contestataire avait signé le PAP et présenté des candidats sans émettre de réserves.
L’action en contestation d’un PAP fondée sur un manquement aux mesures d’ordre public est-elle recevable lorsqu’elle est menée par un syndicat signataire dudit protocole ?
ÉCLAIRAGES
Le tribunal judiciaire annule le PAP en raison du non-respect du principe général du droit électoral. Les juges relèvent que le PAP a retenu une date d’appréciation des conditions d’électorat et d’éligibilité à une date différente de celle du premier tour des élections, ce qui privait nécessairement une partie des électeurs de leurs droits électoraux et dérogeait à un principe général du droit électoral.
La Cour de cassation censure le raisonnement du tribunal judiciaire.
Un PAP remplissant des conditions de validité ne peut être contesté devant le juge que s’il contient des clauses contraires à l’ordre public.
Cependant un syndicat ayant soit signé le PAP, soit présenté des candidats, sans émettre aucune réserve n’est pas recevable, après proclamation des résultats, pour contester le PAP ou demander l’annulation des élections, « quand bien même il invoquerait une méconnaissance par le protocole préélectoral de règles d’ordre public ».
FONDEMENT JURIDIQUE
L’article L. 2314-6 du code du travail énonce que la validité du protocole préélectoral est soumis aux règles de double majorité, c’est-à-dire que le PAP doit être signé par la majorité des organisations syndicales ayant participé à sa négociation, dont les organisations syndicales représentatives ayant recueilli la majorité des suffrages exprimés lors des dernières élections professionnelles.
Pour la Cour de cassation, lorsque le PAP répond à ces conditions, il ne peut être contesté devant le juge judiciaire qu’en ce qu’il contiendrait des stipulations contraires à l’ordre public, notamment en ce qu’elles méconnaîtraient les principes généraux du droit électoral (Cass. soc., 9 juin 2021, n° 19-24.387).
Depuis dix ans, la Cour de cassation limite les actions en contestation du PAP par un syndicat signataire « sans réserve ». Un syndicat ne peut remettre en cause un PAP après l’avoir signé sans réserve (cass. soc. 6 octobre 2011, n° 11-60035 ; cass. soc. 22 octobre 2014, n° 14-60123 D, cass. soc. 11 décembre 2019, n° 18-20841 FSPB).
Dans cette dernière décision, elle apporte une nouvelle précision. Alors même que des mesures d’ordre public sont avancées pour contester le PAP, si l’action est menée par un syndicat "signataire sans réserve", cette action sera considérée comme irrecevable.
DROITS EN ACTIONS
Cette solution vise à éviter la contestation des élections par des syndicats suite à des résultats décevants vis-à-vis de syndicats qui n’avaient émis aucune réserve, ni à la signature, ni lors de la présentation de leurs listes de candidats.
En signant un protocole sans réserve, l’action en contestation sera donc bien et irrémédiablement considérée comme irrecevable... Soyez vigilants !
Auteure, Sophie RIOLLET-COGEZ, Juriste, Service Juridique, Secteur Juridique National UNSA,
Pour toute question : juridique@unsa.org