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Salarié protégé en co-emploi : aucun supplément de garantie contre l’autorisation administrative de licenciement pour le Conseil d’Etat...

vendredi 9 juin 2023 - ◷ 5 min

La notion de « co-emploi » peut-elle faire obstacle au licenciement d’un salarié protégé ? Par cet arrêt en date du 28 avril 2023, le Conseil d’état répond par la négative à cette question en cassant l’arrêt de la Cour administrative d’appel.

A propos de l’arrêt du Conseil d’état du 28 avril 2013 n° 453087

JURISPRUDENCE DU CONSEIL D’ETAT

https://www.legifrance.gouv.fr/ceta/id/CETATEXT000047521012?init=true&page=1&query=&searchField=ALL&tab_selection=cetat

° DECISION DU JUGE :

Dans cet arrêt en date du 28 avril 2013, le Conseil d’État qui avait à juger du cas d’un licenciement économique fondé sur la cessation totale et définitive d’activité d’une entreprise appartenant à un groupe, a décidé que l’existence d’une situation de « co-emploi » est un « motif inopérant » pour contester la légalité de l’autorisation délivrée par l’inspecteur du travail.

° FAITS

Des salariés protégés devaient être licenciés pour motif économique en raison de la cessation d’activité de l’entreprise, mais l’inspectrice du travail de l’unité territoriale de Gironde a refusé d’autoriser leur licenciement par neuf décisions du 23 mars 2017. L’entreprise a donc saisi la Ministre du travail sur recours hiérarchique contre ces décisions, cette dernière les annulant d’une part, et autorisant les licenciements pour motif économique d’autre part.

° PROCEDURE

C’est contre ces décisions de la Ministre que le Tribunal administratif a été saisi et les a annulées, le 15 novembre 2018, pour excès de pouvoir.
Avant que la Cour administrative d’appel de Bordeaux rejette l’appel de la société contre ce jugement, le 29 mars 2021, en jugeant qu’il existait une situation de « co-emploi » entre la société et le groupe dont elle relève, faisant obstacle à ce que la ministre du travail autorise le licenciement des salariés protégés en raison de sa cessation d’activité.

Le Conseil d’état a donc été saisi par la société.

La question qui se pose dans ce cas est donc de savoir si la notion de « co-emploi » peut être utilisée par la défense pour faire annuler le licenciement économique de salariés protégés ?

° PRECISIONS

Pour le Conseil d’état, lorsque le licenciement d’un salarié protégé est envisagé, ce licenciement ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées ou l’appartenance syndicale du salarié. Dans le cas d’un motif de caractère économique, il appartient à l’inspecteur du travail et, le cas échéant, au ministre, de rechercher, sous le contrôle du juge de l’excès de pouvoir, si la situation de l’entreprise justifie le licenciement du salarié.

De même, lorsque la demande d’autorisation de licenciement pour motif économique est fondée sur la cessation d’activité de l’entreprise, il appartient à l’autorité administrative de contrôler que cette cessation est totale et définitive, en tenant compte de tous les éléments de droit ou de fait recueillis lors de son enquête à la date à laquelle elle se prononce.

Enfin, lorsque l’entreprise appartient à un groupe, le fait qu’une autre entreprise du groupe ait poursuivi une activité de même nature ne fait pas obstacle à ce que la cessation d’activité de l’entreprise soit regardée comme totale et définitive. Mais, le licenciement ne pourrait être autorisé, s’il apparaît que le contrat de travail du salarié doit être regardé comme transféré à un nouvel employeur. De même, s’il est établi qu’une autre entreprise est, en réalité, le véritable employeur du salarié.

A la lumière de ces éléments, la Cour d’appel en retenant le « co-emploi », alors que cet argument est inopérant, a commis une erreur de droit et son arrêt a été cassé.

Seul le fait qu’une autre entreprise était en réalité, le véritable employeur des salariés protégés qu’il était projeté de licencier en raison de la cessation d’activité de l’entreprise, étant susceptible, d’être invoqué...

° FONDEMENTS JURIDIQUES DE LA DECISION ?

La situation de « co-emploi » est donc rejetée par le Conseil d’état, qui précise que « seul le moyen tiré de ce qu’une autre entreprise était, en réalité, le véritable employeur des salariés protégés qu’il était projeté de licencier en raison de la cessation d’activité de l’entreprise, [était] susceptible, le cas échéant, d’être invoqué ». Il précise que l’existence d’un « véritable employeur » fait obstacle à ce que la cessation d’activité de l’employeur apparent puisse être regardée comme un motif économique justifiant la délivrance de l’autorisation de licenciement. Donc, si l’employeur à l’origine de la demande d’autorisation n’est pas le « véritable employeur » du salarié protégé, l’autorisation et donc le licenciement seront refusés.

° DROIT EN ACTIONS

Le « coemploi » est une notion jurisprudentielle qui vise le fait pour une entreprise de s’immiscer dans la gestion économique et sociale d’une autre, en conduisant à ce que cette dernière entreprise perde totalement son autonomie d’action (cf. Cass. Soc, 25 novembre 2020 n° 18-13.769 ou encore, Cass. soc, 23 novembre 2022 n° 20-23.206).

Cet arrêt rendu par le Conseil d’état est dans la lignée de sa jurisprudence précédente. Il avait déjà rejeté le « coemploi » dans le cadre du contentieux relatif à la validité des décisions d’homologation des plans de sauvegarde de l’emploi, pour le remplacer par la notion de recherche de « l’employeur véritable » (cf. CE 17 octobre 2016 n° 386306).

Auteur, Louis BERVICK, Juriste, Pôle Service Juridique, Secteur Juridique National.

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