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Un droit à la même coiffure entre hommes et femmes...

vendredi 2 décembre 2022 - ◷ 4 min

Discrimination dans les compagnies aériennes : pas de différence de traitement entre les hommes et les femmes dans le choix de sa coiffure dans l’exercice du métier de personnel navigant steward...

JURISPRUDENCE SOCIALE

Cass. soc., 23 nov. 2022, n° 21-14.060

Une compagnie aérienne ne peut pas interdire à l’un de ses stewards le port de tresses nouées en chignon préconisé pour les femmes.

FAITS...

La compagnie aérienne avait établi un manuel du port de l’uniforme à destination de son personnel navigant.

Ce manuel donne des consignes relatives à la coiffure :
 pour les hommes : « les cheveux doivent être coiffés de façon extrêmement nette. Limitées en volume, les coiffures doivent garder un aspect naturel et homogène. La longueur est limitée dans la nuque au niveau du bord supérieur de la chemise. »
 pour les femmes : « les tresses africaines sont autorisées à condition d’être retenues en chignon. »

Un steward embauché depuis 1998 se présente à l’embarquement, en 2005, coiffé de tresses africaines nouées en chignon. Son employeur lui refuse l’embarquement au motif qu’une telle coiffure n’est pas autorisée par le manuel des règles de port de l’uniforme pour le personnel navigant commercial masculin.

Le steward choisit de porter une perruque pour exercer ses fonctions et ce, jusqu’en 2007. Estimant être victime de discrimination, il saisit la juridiction prud’homale.
Le fait pour un employeur de restreindre la liberté de ses salariés de sexe masculin dans leur façon de se coiffer constitue-t-il une discrimination fondée sur le sexe ?

L’ANALYSE DE LA COUR DE CASSATION

Pour condamner l’employeur, la Cour de cassation se fonde sur le principe de l’égalité des chances et de l’égalité de traitement entre hommes et femmes, en matière d’emploi et de travail .

Ainsi, les différences de traitement en raison du sexe doivent être justifiées par la nature de la tâche à accomplir, répondre à une exigence professionnelle véritable et déterminante et être proportionnées au but recherché. Elles doivent ainsi renvoyer à une exigence objectivement dictée par la nature ou les conditions d’exercice de l’activité professionnelle en cause.

Les juges de la Haute juridiction en déduisent que « l’interdiction faite à l’intéressé de porter une coiffure, pourtant autorisée par le même référentiel pour le personnel féminin, caractérisait une discrimination directement fondée sur l’apparence physique en lien avec le sexe ».

Selon le communiqué de la Cour de cassation, c’est l’uniforme qui permet aux clients d’identifier le personnel navigant. Contrairement à un chapeau, dont le port peut être imposé et qui contribue à cette identification, la manière de se coiffer n’est ni une partie de l’uniforme ni son prolongement.
Dans le cadre de cette profession, il n’est donc pas possible d’interdire aux hommes une coiffure autorisée aux femmes.

ECLAIRAGE

Cette décision va au-delà du choix de la coiffure dans les compagnies aériennes. Elle interroge sur la différence de coiffure imposée par l’employeur en fonction du sexe. Si la différence d’uniforme se justifie, il en est autrement de la coiffure.

Dans son communiqué, elle précise que les codes sociaux ne sont pas des critères objectifs qui justifient une différence de traitement entre les hommes et les femmes. La prise en compte d’une perception sociale courante de l’apparence physique des genres masculin et féminin n’est donc pas une exigence objective nécessaire à l’exercice des fonctions de steward.

La Cour de cassation nous rappelle, que face à une restriction d’une liberté, telle que le choix de la coiffure, il convient toujours de s’interroger sur l’objectivité de la mesure. Toutes différences de traitement en raison du sexe doivent être justifiées par la nature de la tâche à accomplir, répondre à une exigence professionnelle véritable et déterminante et être proportionnées au but recherché et ce, au-delà de tout préjugé, de tous codes sociaux, de toute perception sociale.

L’égalité prime donc sur les codes sociaux vestimentaires...

Auteur Sophie Riollet, juriste, Pôle service juridique du Secteur Juridique National de l’UNSA.
Pour tous commentaires ou question, juridique@unsa.org

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