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Une limitation conventionnelle du périmètre d’ordre public de la désignation d’un délégué syndical n’est pas possible...

samedi 11 juin 2022 - ◷ 4 min

La désignation d’un délégué syndical peut intervenir au sein de l’établissement regroupant des salariés placés sous la direction d’un représentant de l’employeur. Pour qu’il ait pertinence d’une désignation, "représentativité" et sens de celle-ci, il faut aussi que ces salariés constituent une communauté de travail ayant des intérêts propres à défendre, susceptibles de générer des revendications communes et spécifiques... Ni plus, ni moins !?
La jurisprudence rappelle que tout mandat syndical a une finalité qui en justifie l’existence et l’opportunité de désignation...

JURISPRUDENCE SOCIALE

Cour de cassation 8 décembre 2021, pourvoi n° 20-60.257

QUESTIONS DE DROITS

En juillet 2020, l’Union pour la gestion des établissements des caisses d’assurance de l’assurance maladie du Nord-Est a sollicité l’annulation de la désignation d’une salariée déléguée syndicale d’établissement.

La procédure s’est poursuivie et la désignation a été déclarée nulle par la cour d’appel : un accord a fixé le périmètre de désignation des délégués syndicaux, lequel devait s’imposer aux organisations syndicales. Celles-ci n’ayant toutefois pas usé de la faculté qu’elles avaient de ne pas signer l’accord litigieux. Elles ne pouvaient pas contester le nouveau périmètre, qui n’était pas défini unilatéralement par l’employeur.

La salariée et le syndicat arguent de leur côté que l’accord litigieux portait uniquement sur la mise en place du comité social et économique (CSE). Il ne comportait aucune stipulation concernant la désignation des délégués syndicaux. Il ne pouvait être applicable dans la mesure où il faisait obstacle aux dispositions d’ordre public de l’article L. 2143-3 du code du travail qui prévoit que « la désignation d’un délégué syndical peut intervenir au sein de l’établissement regroupant des salariés placés sous la direction d’un représentant de l’employeur et constituant une communauté de travail ayant des intérêts propres, susceptibles de générer des revendications communes et spécifiques ».

ECLAIRAGES

La question de droit posée devant la Cour de cassation était la suivante : un accord peut-il limiter les modalités d’ordre public de désignation d’un délégué syndical ?

La Cour de cassation infirme la décision de la Cour d’appel.

FONDEMENT JURIDIQUE

La haute juridiction rappelle que les dispositions de l’alinéa 4 de l’article L 2143-3 du code du travail, même si elles n’ouvrent qu’une faculté aux organisations syndicales représentatives, sont d’ordre public. Elles le sont s’agissant de la définition du périmètre de désignation des délégués syndicaux. Aussi, ni un accord collectif de droit commun, ni un accord d’entreprise concernant la mise en place du CSE et des comités sociaux et économiques d’établissement ne peuvent priver un syndicat du droit de désigner un délégué syndical au niveau d’un établissement.

L’accord ne pouvait faire obstacle aux dispositions d’ordre public de l’article L. 2143-3 et donc changer le périmètre de désignation des délégués syndicaux.

En appliquant cette disposition et en ne recherchant pas si l’établissement présentait des particularités propres et spécifiques, tenant à sa situation géographique, au public accueilli, aux métiers qui y sont exercés et aux missions particulières qui lui sont dévolues, qui doivent être prises en compte pour déterminer les conditions de travail des salariés qui y sont affectés, ... le tout s’adressant à et caractérisant une communauté de travail ayant des intérêts propres, susceptibles de générer des revendications communes et spécifiques, ... le juge du fond avait entaché sa décision d’un défaut de base légale.

La Cour de cassation casse donc l’arrêt.

DROITS EN ACTIONS

Cette solution vise à éviter la violation de dispositions d’ordre public (*) notamment quant à la désignation des délégués syndicaux.

Cette décision s’imposait aussi pour donner sens, pertinences, efficiences aux négociations collectives, à leurs champs et aux acteurs, à la capacité de ceux-ci de pouvoir aboutir dans les discussions à l’aune du périmètre de leur représentativité...

Un accord, quelle que soit l’interprétation qui en est faite, ne peut contrevenir à de telles dispositions d’ordre public...

Christian HERGES, Responsable Juridique, Pôle Service Juridique, Secteur Juridique National de l’UNSA.
Pour tous commentaires ou question, juridique@unsa.org

(*) L’Ordre Public : il s’agit de l’ensemble des règles obligatoires qui touchent à l’organisation de la Nation, à l’économie, à la morale, à la santé, à la sécurité, à la paix publique, aux droits et aux libertés essentielles de chaque individu. Nul ne peut déroger, même avec son accord, aux règles de l’ordre public, sauf le cas des personnes auxquelles elles s’appliquent, si ces règles n’ont été prises que dans leur intérêt et pour leur seule protection. Mais, ce n’était pas le cas en l’espèce et en matière de désignations syndicales.. .

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